Psychanalyse

 

 

Jeu et Réalité – Éditions Gallimard, Folio/essais, 1975, pour la traduction française.
C’est l’œuvre la plus lue de Winnicott. Cet ouvrage a pour point de départ l’article, devenu classique, que l’auteur a consacré aux « Objets transitionnels et transitionnels » en 1951.
Figure de premier plan, Donald Winnicott qui vient de la pédiatrie, s’apparente aux Indépendants, des psychanalystes qui, lors des grandes controverses de la psychanalyse anglaise, ont refusé de se ranger soit auprès de Mélanie Klein, repensant la psychanalyse à partir des angoisses archaïques du nourrisson, soit auprès d’Anna Freud, qui soutenait une psychanalyse plus rééducatrice.
A plusieurs reprises dans ce livre dont je n’ai relevé que les points qui m’intéressaient pour le moment, Winnicott évoque les différences de positions entre lui et Freud et entre lui et M. Klein : concernant l’objet interne de M. Klein et l’objet transitionnel qui, précise-t-il, n’est pas un objet interne (concept mental). C’est une possession. Cependant pour le nourrisson ce n’est pas non plus un objet externe.
Il insiste sur l’importance de la prise en compte de l’environnement et non pas uniquement sur la dimension de l’hérédité. (sur la question de l’agressivité entre autres)
Dans l’avant-propos Winnicott nous confie combien il a été frappé de constater que pendant les 10 dernières années, cette aire du développement et de l’expérience a été aussi négligée dans le monde psychanalytique.
Il rappelle que les psychanalystes se sont intéressés à la réalité psychique et à la relation de cette réalité personnelle, intérieure avec la réalité extérieure et partagée mais que cette définition courante de la nature humaine qu’il reconnaît n’est cependant pas satisfaisante. De ce fait, l’expérience culturelle, vue comme aire transitionnelle, n’a pas trouvé sa place dans la théorie.
Winnicott reconnaît l’existence dans la littérature psychanalytique de prise en compte des progrès marquant le passage des activités main-bouche vers main-sexe mais qu’il est beaucoup plus rare de trouver une réflexion sur la manipulation des objets véritablement « non-moi ».
Ce qui l’intéresse, ce n’est pas le premier objet des relations objectales mais la première possession et l’aire intermédiaire qui se situe entre le subjectif et ce qui est objectivement perçu. Pour Winnicott, ce n’est pas le bout de tissu ou l’ours qui intéresse l’enfant. Ce n’est pas l’objet utilisé qui est important mais l’utilisation de l’objet.
Winnicott met en évidence dans cet ouvrage les caractères de l’objet transitionnel (le doudou de l’enfant), première possession « non-moi », objet créé en même temps que trouvé, qui se distingue des objets extérieurs car l’enfant s’y reconnaît plus qu’il ne s’y confronte.
Cet objet significatif des attachements de l’enfance crée dans l’expérience psychique une zone intermédiaire entre le moi et les objets externes, un « espace potentiel » qui reste actif tout au long de l’existence, dans le jeu, dans les fantasmes et surtout dans la vie culturelle.
Sensible à l’importance de l’environnement pour le psychisme de l’enfant, Winnicott montre comment l’espace transitionnel est celui de la créativité dans l’illusion culturelle ; il insiste sur la part d’illusion nécessaire à la construction du psychisme.
Il s’intéresse à ce 3e élément que constitue l’espace potentiel ou l’aire intermédiaire d’expérience (en italiques dans le texte) (en anglais « experiencing », qui met l’accent sur le processus, le mouvement plus que sur l’état), à laquelle contribuent simultanément la réalité intérieure et la vie extérieure. Cette aire va permettre de passer de l’incapacité du petit enfant à reconnaître et à accepter la réalité et la capacité qu’il acquerra progressivement de le faire. On a coutume à se référer à « l’épreuve de réalité » et de faire une distinction entre perception et aperception.
Il suppose que les premières expériences fonctionnelles (sucer son pouce, le tissu du drap, activités buccales, gazouillis, bruits anaux, premières notes musicales). ont une relation avec la pensée ou la fantasmatisation.
C’est à cet ensemble qu’il donne le nom de phénomènes transitionnels. Parmi ces phénomènes transitionnels, peut se détacher un phénomène particulier (un mot, une mélodie, un geste habituel, objet ou phénomène qui acquiert une importance vitale pour le petit enfant, comme défense contre l’angoisse de type dépressif.
Winnicott pense que ces phénomènes transitionnels apparaissent vers les 4e, 6e, 8e au 12e mois.
Il s’agit d’ une tâche humaine interminable qui consiste à maintenir, à la fois séparées et reliées l’une à l’autre, réalité intérieure et extérieure. On ne demande rien d’autre à cette aire que d’être une aire de repos.
Il n’y a pas de différence perceptible entre garçon et fille dans l’utilisation qu’ils font de leur première possession « non-moi » qu’il appelle «objet transitionnel ».
Une conception du jeu, par quoi il faut entendre une capacité de créer un espace intermédiaire entre le dehors et le dedans, capacité qui ne s’accomplit pas dans les jeux réglés (les games opposés aux playing), agencés comme des fantasmes ou des rituels, mais qui se situe à l’origine de l’expérience culturelle.
II énonce enfin une théorie des lieux psychiques – une nouvelle topique – dont nous commençons à apercevoir l’originalité, par rapport aussi bien à Freud qu’à Mélanie Klein. Ce n’est pas seulement son intelligence du discours, mais sa perception du réel, de soi-même et de l’autre, qui sont alors renouvelées.
Chemin faisant, le lecteur découvre comment une théorie psychanalytique – cet objet transitionnel dont nous ne saurions nous passer – s’invente, se cherche et se trouve.
Le jeu a une place et un temps propres. Il n’est pas au-dedans, il ne se situe pas non plus au dehors, c’est-à dire qu’il n’est pas une partie répudié du monde, le non-moi, de ce monde que l’individu a décidé de reconnaître comme étant véritablement au dehors et échappant au contrôle magique. Pour contrôler ce qui est au dehors on doit faire des choses, et non simplement penser ou désirer et faire des choses cela prend du temps.
Le jeu est universel et favorise la croissance et par là même la santé. Jouer conduit à établir des relations de groupe.
Il décrit une séquence de relations en rapport avec le processus de développement afin de tenter de situer l’activité du jeu.
Le bébé et l’objet sont confondus l’un avec l’autre. La vision que le bébé a de l’objet est subjective et la mère s’applique à présenter effectivement au bébé ce qu’il est prêt à trouver, à savoir, le sein.
L’objet est répudiée, ré-accepté et objectivement perçu. Ce processus complexe dépend largement du fait qu’une mère ou figure maternelle est là, prête à participer et à redonner ce qui lui est remis. Cela signifie que la mère ou une partie de la mère est impliquée dans un mouvement de va et vient entre être ce que le bébé a la capacité de trouver et alternativement attendre d’être trouvée.
Si la mère est capable de jouer le rôle pendant un certain temps sans, pour ainsi dire, admettre d’entraves, le bébé vit alors une expérience de contrôle magique à savoir une expérience de contrôle magique omnipotent. C’est là que le jeu commence.
Dans l’état de confiance qui s’instaure progressivement quand la mère est capable de s’acquitter de cette tâche difficile, le bébé commence à goûter des expériences reposant sur le « mariage » de l’omnipotence des processus intrapsychiques et le contrôle du réel. Ce terrain est un espace potentiel qui se situe entre la mère et le bébé et qui les unit l’un à l’autre.
Stade suivant
Le stade suivant, c’est être seul en présence de quelqu’un. L’enfant joue maintenant avec la certitude que la personne qui aime et en qui par conséquent on peut avoir confiance est disponible et le demeure quand après l’avoir oubliée, on s’en souvient. Cette personne est ressentie comme réfléchissant ce qui se passe dans le jeu.
L’enfant est maintenant prêt pour le stade suivant : permettre le chevauchement de deux aires de jeu et y prendre plaisir. Dans un premier temps c’est la mère qui joue avec le bébé, mai elle se montre soucieuse de s’adapter aux activités de jeu de son enfant. Plus tard elle introduit sa propre activité de jeu et découvre que les bébés différent quant à leur capacité d’aimer ou non l’introduction d’idées qui ne sont pas les leurs. Ainsi la voie est toute tracée pour qu’un jeu en commun s’instaure au sein d’une relation.
Ce qui importe avant tout à Winnicott, c’est de montrer que le jeu est une expérience créative.
Le jeu est excitant mais il faut comprendre que s’il est excitant, ce n’est pas essentiellement parce que les instincts y sont à l’œuvre. Ce dont il s’agit c’est toujours la précarité du jeu réciproque entre la réalité psychique personnelle et l’expérience de contrôle des objets réels. Nécessité de confiance, être fiable, nécessité pour cela de l’amour de la mère. Cette précarité lui vient de ce qu’il se situe sur une ligne théorique entre le subjectif et l’ objectivement perçu.
Le jeu reste un lieu privilégié d’expression des problèmes, voire des conflits intérieurs que les enfants rencontrent. Il leur permet aussi de laisser libre cours, et donc de se libérer, de leurs émotions les plus violentes ( rage, jalousie, désir de destruction, désespoir…), sans prendre le risque de perdre l’amour des êtres aimés.
Le jeu est une expérience fondatrice de la personnalité humaine et il est toujours présent (sous une forme ou une autre) chez l’adulte. Car nous avons toujours besoin, de prendre, de temps à autre, un peu de distance vis à vis de notre réalité. C’est une expérience qui ne se donne pas de but, une sorte de crédit ouvert à la construction de la personnalité. Être, sans qu’il y ait but.
C’est en jouant et seulement en jouant que l’individu, enfant ou adulte est capable d’être créatif et d’utiliser sa personnalité tout entière. C’est seulement en étant créatif que l’individu découvre le soi.
C’est sur la base du jeu que s’édifie toute l’existence expérientielle de l’homme. Nous expérimentons la vie dans l’aire des phénomènes transitionnels, dans l’entrelacs excitant de la subjectivité et de l’observation objective ainsi que dans l’aire intermédiaire qui se situe entre la réalité intérieure de l’individu et la réalité partagée du monde qui est extérieure.
C’est seulement en jouant que la communication est possible, exception faite de la communication directe qui relève de la psychopathologie ou d’une extrême immaturité.
Marc a 3 ans, il vient de se faire gronder sévèrement par son père pour avoir traversé la rue sans faire attention. Au retour, il s’enferme dans sa chambre où il engage un long dialogue avec ses petites voitures. La rouge soutient que jamais elle n’écrase les enfants ; la bleue se vante de le faire systématiquement. A l’issue de ce monologue à trois, et non sans de violentes manifestations de rage qui laisseront des traces indélébiles sur ses jouets, Marc tranchera : « comme y-a des voitures rouges et bleues, vaut mieux faire attention » !
L’affaire est jouée ! En mettant en scène ce qui l’a blessé, Marc a trouvé comment sortir de son trouble et quelle attitude il lui sera préférable d’adopter à l’avenir.
Winnicott fait la distinction entre celui qui enrichit, celui qui enseigne et l’activité du psychothérapeute qui s’attache spécifiquement au processus de croissance de l’enfant et cherche à éliminer tout ce qui se révèle entraver ce développement. On sait que dans ses consultations Winnicott utilisait le jeu avec les enfants.
Jouer est une thérapie en soi. Faire le nécessaire pour que les enfants soient capables de jouer, c’est une psychothérapie qui a une application immédiate et universelle. Elle comporte l’établissement d’une attitude sociale positive envers le jeu
Ce qui est à la base de ce que nous faisons, c’est le jeu du patient, une expérience créative qui s’inscrit dans le temps et l’espace et qui est intensément réelle pour le patient. Il va jusqu’à dire qu’un travail thérapeutique peut être conduit sans interprétation. Le moment clé est celui où l’enfant ou le patient se surprend lui-même. Plus que le moment où est faite une brillante interprétation.
« La psychothérapie se situe en ce lieu où deux aires de jeu se chevauchent, celle du patient et celle du thérapeute. Si le thérapeute ne peut jouer cela signifie qu’il n’est pas fait pour ce travail. Si le patient ne peut jouer, il faut faire qq chose pour lui permettre d’avoir la capacité de jouer, après quoi la psychothérapie pourra commencer.
En psychothérapie à qui a-t-on affaire ? A deux personnes en train de jouer ensemble. Le corollaire sera donc que là où le jeu n’est pas possible, le travail du thérapeute vise à amener le patient d’un état où il n’est pas capable de jouer à un état où il est capable de le faire. »
Il y a continuité entre la première utilisation d’un objet ou d’une technique transitionnels jusqu’aux stades ultimes de la capacité d’un être humain pour l’expérience culturelle.
Il y a quelque chose dans le jeu qui n’a pas encore trouvé sa place dans la littérature psychanalytique
Winnicott parle aussi de « jeu » dans la séance de thérapie : « quand le patient n’a pas la capacité de jouer, l’interprétation donnée est simplement inutile ou suscite de la confusion». « L’interprétation donnée quand le matériel n’est pas mûr, c’est de l’endoctrinement qui engendre la soumission. Le corollaire est que la résistance naît de l’interprétation donnée en dehors de l’aire où analyste et patient jouent ensemble ». « Jouer doit être un acte spontané, et non l’expression d’une soumission ou d’un acquiescement, s’il doit y avoir psychothérapie».
Quand il y a mutualité dans le jeu, l’interprétation peut faire avancer le travail thérapeutique. Jouer doit être un acte spontané et non l’expression d’une soumission ou d’un acquiescement s’il doit y avoir psychothérapie.
Le jeu est essentiel parce que c’est en jouant que le patient se montre créatif.
« Quand nous nous montrons capables d’attendre, le patient parvient alors à comprendre de manière créative, avec un plaisir intense » (…) « c’est le patient, et le patient seul qui détient les réponses. Nous pouvons ou non le rendre capable de cerner ce qui est connu ou d’en devenir conscient en l’acceptant
Winnicott insiste sur la notion de préoccupation de l’enfant qui joue dans le sens d’un état proche du retrait qu’on retrouve dans la concentration des enfants et des adultes. L’enfant qui joue habite une aire qu’il ne quitte qu’avec difficulté, où il n’admet pas facilement les intrusions.
MENACES AUXQUELLES EST CONFRONTE LE JEU
On a vu le côté précaire du jeu. Précarité propre au jeu réciproque qui se fait dans l’esprit de l’enfant entre le subjectif (proche de l’hallucination) et l’objectivement perçu (la réalité effective ou partagée).
Autre menace, c’est l’excitation dans les zones érogènes qui ne cessent de menacer le jeu et du même coup menace le sentiment qu’à l’enfant d’exister en tant que personne. Les pulsions constituent la plus grande menace pour le jeu et pour le moi. Dans la séduction, un agent extérieur quelconque exploite les pulsions de l’enfant, favorise chez lui l’annihilation du sentiment qu’il a d’exister en tant qu’unité autonome et par là rend le jeu impossible.
Même s’il conduit à un degré élevé d’angoisse le jeu est essentiellement satisfaisant. Il y a un degré d’angoisse insupportable qui, lui, détruit le jeu.
Le jeu atteint son propre point de saturation qui dépend de la capacité de contenir l’expérience.

En fait, Ce n’est pas l’objet qui est transitionnel. Il représente la transition du petit enfant qui passe de l’état d’union avec la mère à l’état où il est en relation avec elle, en tant que qq chose d’extérieur et de séparé. On dit que l’enfant se libère d’un type narcissique de relation objectale mais Winnicott ne veut pas utiliser ce langage.
C’est la première possession « non-moi »
C’est un objet crée en même temps que trouvé
Il est distinct des autres objets parce que l’enfant s’y reconnaît plus qu’il ne s’y confronte
Cet objet significatif des attachements de l’enfance crée dans l’expérience psychique une zone intermédiaire entre le moi et les objets externes, un « espace potentiel » qui reste actif tout au long de l’existence, dans le jeu, dans les fantasmes et surtout dans la vie culturelle.
Il dit désigner par « objets transitionnels » et « phénomènes transitionnels » l’aire intermédiaire d’expérience qui se situe entre le pouce et l’objet en peluche, entre l’érotisme oral et la véritable relation d’objet, entre l’activité créatrice primaire et la projection de ce qui a déjà été introjecté, entre l’ignorance primaire de la dette et la reconnaissance de celle-ci
Accès au symbolisme : le bout de tissu est symbolique d’un objet partiel, du sein. Mais dans sa valeur symbolique, il a aussi une existence effective. Que cet objet ne soit pas le sein, bien qu’il soit réel, importe tout autant que le fait qu’il soit à la place du sein ou de la mère.
En utilisant le symbolisme, le petit enfant établit déjà une distinction nette entre le fantasme et le fait réel, entre objets internes et objets externes, entre créativité primaire et la perception.
L’objet transitionnel permet à l’enfant d’accepter la différence et la similarité
L’objet transitionnel est ce que nous percevons du voyage qui marque la progression de l’enfant vers l’expérience vécue.
L’objet transitionnel prend la place du sein ou de l’objet de la première relation.
L’objet transitionnel précède l’établissement de l’épreuve de réalité
Avec l’objet transitionnel l’enfant passe du contrôle omnipotent (magique) au contrôle par la manipulation (comportant l’érotisme musculaire et le plaisir de coordination)
L’ objet transitionnel peut devenir un fétiche et persister dans la vie adulte
Les objets transitionnels favorisent l’imitation (faire comme) et le jeu symbolique (faire comme si)
Winnicott dit « On peut dire à propos de l’objet transitionnel qu’il y a un accord entre nous et le bébé comme quoi nous ne poserons jamais la question : « cette chose, l’as-tu conçue ou t’a-t-elle été présentée du dehors ? ». L’important est qu’aucune prise de décision n’est attendue sur ce point. La question elle-même n’a pas à être formulée ».
Cette aire où l’on joue n’est pas la réalité psychique interne. Elle est en dehors de l’individu, mais elle n’appartient pas non plus au monde extérieur.
Dans cette aire l’enfant rassemble des objets ou des phénomènes appartenant à la réalité extérieure et les utilise en les mettant au service de ce qu’il a pu prélever de la réalité interne ou personnelle. Sans halluciner, l’enfant extériorise un échantillon de rêve potentiel et il vit avec cet échantillon dans un assemblage de fragments empruntés à la réalité extérieure.
 » Lieu de repos où l’individu engagé dans cette tâche interminable qui consiste à maintenir à la fois séparées et reliées à l’autre, réalité intérieure et réalité extérieure « , mais aussi espace de créativité, aire de potentialités. Ce sont des espaces féconds.
L’espace transitionnel est celui de la créativité dans l’illusion culturelle ; Winnicott. prolonge ainsi son insistance sur la part d’illusion nécessaire à la construction du psychisme.
On a vu qu’il faisait rentrer dans l’aire intermédiaire : les gazouillis du nouveau né, plus tard le répertoire de chansons et de mélodies, tous ces comportements qui interviennent dans l’aire intermédiaire en tant que phénomènes transitionnels. Il en va de même des objets qui ne font pas partie du corps du nourrisson bien qu’il ne les reconnaisse pas encore comme appartenant à la réalité extérieure
Les phénomènes transitionnels sont autorisés au petit enfant car les parents reconnaissent intuitivement la tension inhérente à la perception objective et nous n’exigeons pas de l’enfant qu’il prenne parti en ce qui concerne la subjectivité ou l’objectivité du lieu où se situe l’objet transitionnel.
Si un adulte prétendait nous faire accepter l’objectivité de ses phénomènes subjectifs nous verrions dans cette prétention la marque de la folie. Toutefois, si l’adulte parvient à jouir de son aire personnelle intermédiaire sans rien revendiquer, il n’est pas exclu que nous puissions y reconnaître nos propres aires intermédiaires correspondantes. Nous nous plairions à constater un certain chevauchement, c’est-à-dire une expérience commune aux membres d’un groupe se consacrant aux arts, à la religion ou à la philosophie.
La fonction majeure de l’objet et des phénomènes transitionnels est d’apporter dès le départ à tout être humain quelque chose qui sera toujours important pour lui, à savoir une aire neutre d’expérience qui ne sera pas contestée .
En général l’objet transitionnel est progressivement désinvesti, surtout au moment où se développent les intérêts culturels de l’enfant.
Mais il peut y avoir difficultés et pathologie des phénomènes transitionnels :
quand la mère ou toute autre personne dont l’enfant dépend s’absente, nul changement immédiat n’intervient. Le petit enfant garde le souvenir ou l’image mentale de la mère ou représentation intérieure qui peut rester vivante pendant un certain temps.
Si l’absence est trop longue, le souvenir de la représentation interne s’efface. En même temps, les phénomènes transitionnels perdent progressivement toute signification et le petit enfant est incapable d’en faire l’expérience. Alors, il y a désinvestissement de l’objet. Juste avant que la perte ne soit ressentie, on peut discerner, dans l’utilisation excessive de l’objet transitionnel, le déni de la crainte que cet objet ne perde sa signification.
« La re-création d’une aire transitionnelle est une condition nécessaire (mais non suffisante) pour permettre à un individu, à un groupe, de retrouver la confiance dans la propre continuité d’être, dans sa capacité d’établir des liens entre lui-même, le monde, les autres, dans sa faculté de jouer, de symboliser, de penser, de créer.  »
(D. Anzieu 1981) « .
Si l’objet transitionnel perd sa signification, c’est que les phénomènes transitionnels deviennent diffus et se répandent dans la zone intermédiaire qui se situe entre la « réalité psychique interne » et « le monde externe tel qu’il est perçu par 2 personnes en commun ; autrement dit, ils se répandent dans le domaine culturel tout entier.
D’où élargissement de son propos au jeu, la création artistique, le goût pour l’art, le sentiment religieux, le rêve et aussi le fétichisme, le mensonge, le vol, l’origine et la perte du sentiment affectueux, la toxicomanie, talisman des rituels obsessionnels, etc…
L’acceptation de la réalité est une tâche sans fin. Nul être humain ne parvient à se libérer de la tension suscitée par la mise en relation de la réalité du dedans et de la réalité du dehors. Cette tension peut être soulagée par l’existence d’une aire intermédiaire d’expérience qui n’est pas contestée (art, religion, etc)
Cette aire intermédiaire est en continuité directe avec l’aire de jeu du petit enfant.
– Sur l’impossibilité que la créativité soit détruite chez un individu
– « C’est pourquoi toute remarque s’appliquant à l’individu en tant qu’être isolé ne conduira pas au problème central de la source de la créativité. »
C’est l’objet de son interrogation chapitre 7
Cette 3e aire a été opposée d’une part à la réalité psychique intérieure ou personnelle et d’autre part, au monde existant dans lequel vit l’individu, monde qui peut être objectivement perçu.
Cette aire importante d’expérience dans l’espace potentiel entre l’individu et l’environnement, cet espace qui au départ unit et sépare le bébé et la mère, quand l’amour de la mère qui se révèle et se manifeste par la communication d’un sentiment de sécurité donne au bébé un sentiment de confiance dans le facteur de l’environnement.
Cet espace potentiel entre le bébé et la mère, l’individu et la société ou le monde, dépend de l’expérience qui a conduit à la confiance. On peut le considérer comme sacré pour l’individu dans la mesure où celui-ci fait dans cet espace l’expérience de la vie créative.
A l’opposé, l’exploitation de cette aire conduit à une condition pathologique où l’individu est littéralement encombré d’éléments persécutifs dont il n’arrive pas à se débarrasser.
Cette place, la seule où le jeu peut trouver son départ, est celle où se situe au moment de continuité-contiguité où les phénomènes transitionnels prennent leur origine.
Il veut introduire la notion d’un état intermédiaire entre l’incapacité du petit enfant à reconnaître et à accepter la réalité et la capacité qu’il acquerra progressivement de le faire. C’est pourquoi il s’intéresse à l’illusion, « celle qui existe chez le petit enfant et qui chez l’adulte est inhérente à l’art et à la religion ».
Problème si quelqu’un veut exercer son pouvoir en abusant de la crédulité des autres de vouloir leur faire avaler sa propre illusion. Mais nous pouvons former des groupes basées sur des affinités de nos expériences illusoires. Racine naturelle de la constitution de groupes humains.
Par une adaptation à 100%, la mère permet au bébé d’avoir l’illusion que son sein est une partie de lui. Le sein est alors sous le contrôle magique du bébé. Il en va de même des périodes de calme alternant avec les périodes d’excitation. L’omnipotence est presque un fait d’expérience. La tâche ultime de la mère est de désillusionner l’enfant mais cela est possible que s’il y a eu auparavant la possibilité d’illusion. On peut dire que le sein est crée et sans cesse recréé en fonction de sa capacité d’aimer, c’est-à-dire de son besoin. Un phénomène subjectif se développe chez le bébé. La mère place le sein réel juste là et au bon moment où l’enfant est prêt à le créer. Dès la naissance, l’être humain est confronté au problème de la relation entre ce qui est objectivement perçu et ce qui est subjectivement conçu. L’être humain ne pourra résoudre ce problème que s’il a pris un bon départ.
L’aire intermédiaire est une aire allouée à l’enfant qui se situe entre la créativité primaire et la perception objective basée sur l’épreuve de réalité.
L’adaptation de la mère aux besoins du petit enfant, quand la mère est suffisamment bonne, donne à celui-ci l’illusion qu’une réalité extérieure existe, qui correspond à sa propre capacité de créer. En d’autres termes, il y a chevauchement entre l’apport de la mère et ce que l’enfant peut concevoir.
Winnicott fait une différence entre ce que verrait un observateur : l’enfant perçoit ce que la mère lui présente effectivement et l’enfant qui perçoit le sein pour autant qu’un sein ait pu être crée ici et maintenant. Il n’y a pas d’échange entre la mère et l’enfant. Psychologiquement l’enfant prend au sein ce qui est partie de lui-même et la mère donne du lait à un enfant qui est partie d’elle-même. En psychologie, l’idée d’un échange réciproque est basé sur une illusion du psychologue.
La fonction majeure de l’objet et des phénomènes transitionnels est d’apporter dès le départ à tout être humain qq chose qui sera toujours important pour lui, à savoir une aire neutre d’expérience qui ne sera pas contestée.
Les objets et phénomènes transitionnels font partie du royaume de l’illusion qui est à la base de l’initiation de l’expérience.. Ce premier stade du développement est rendu possible par la capacité particulière qu’à la mère de s’adapter aux besoins de son bébé, permettant à celui-ci d’avoir l’illusion que ce qu’il crée existe réellement.
Cette aire intermédiaire d’expérience, qui n’est pas mise en question quant à son appartenance à la réalité intérieure ou extérieure (partagée) constitue la plus grande partie du vécu du petit enfant. Elle subsistera tout au long de sa vie, dans le mode d’expérimentation interne qui caractérise les arts, la religion, la vie imaginaire et le travail scientifique créatif.
On a vu que la tâche de la mère est après avoir assuré l’illusion de désillusionner le petit enfant. W rappelle que la question de l’illusion est inhérente à la condition humaine et qu’on ne parviendra jamais à la résoudre si ce n’est théoriquement.
Il n’est pas possible d’aller du principe de plaisir au principe de réalité ou d’aller vers ou au-delà de l’identification primaire hors de la présence d’une mère suffisamment bonne. La « mère » (pas forcément la propre mère de l’enfant) est celle qui s’adapte activement aux besoins de l’enfant. Cette adaptation diminue au fur et à mesure que l’enfant est capable de faire face aux défaillances de l’adaptation et de tolérer les frustrations. La propre mère est la mieux placée puisque cette adaptation nécessite de s’occuper de l’enfant sans contrainte et sans ressentiment. Pour que les soins soient bénéfiques c’est le dévouement qui compte et non le savoir intellectuel ou le savoir faire.
Les moyens dont l’enfant dispose en cas de défaillances de la mère :

  • Expérience qu’il fait d’une limite temporelle de la frustration. Au début, elle doit être de courte durée.
  • Adaptation croissante au processus
  • Débuts de l’activité mentale
  • Le recours aux satisfactions auto-érotiques
  • Se remémorer, revivre à nouveau, fantasmer, rêver ; intégrer le passé, le présent et le futur.
  • Importance de l’expérience de la frustration : une adaptation incomplète aux besoins rend les objets réels, c’est-à-dire aimés ou haïs. Une adaptation parfaite ressort de la magie et un objet dont le comportement est parfait relève de l’hallucination. Mais au début cette adaptation doit être presque totale, sinon l’enfant ne pourrait pas développer une capacité de vivre une relation avec la réalité externe ou même de se faire une conception de cette réalité.